Ayant pris connaissance des premières estimations des résultats du deuxième tour des élections municipales dès le dimanche 16 en début d’après-midi, le Président de la République a pris une première décision, celle de reprendre d’une main ferme les rênes de l’UMP pour en faire un parti encore plus présidentiel.
C’est lui qui a dicté au Premier ministre une courte note qui, ensuite, a été transmise à tous les intervenants du parti invités à s’exprimer dans les médias. C’est le message qui a été répété à l’identique par chacun : « Les Français nous ont demandé de poursuivre les réformes, d’en accélérer le rythme, pour obtenir, si possible, des résultats plus rapides ».
Cette unanimité visiblement artificielle dans les commentaires de l’événement avait quelque chose de soviétique. Et il fallait un certain culot pour croire à un tel message, même si, par ailleurs, interrogée par différents instituts de sondages, il est exact que l’opinion publique française n’est certainement pas hostile à l’idée même de la réforme, considérant, à juste titre, qu’il n’y aura pas de changement positif durable dans la situation économique du pays sans réforme.
Mais la première leçon de ce scrutin, évidente comme le nez au milieu de la figure, c’est le véritable raz-de-marée dont la gauche socialiste a bénéficié les 9 et 16 mars. La perte pour la droite de villes réputées aussi ancrées à droite que Metz, Caen ou Reims est emblématique.
Permettez-moi une observation plus personnelle. En 1983, j’étais candidat tête de liste dans le IIe arrondissement de Paris, sous les couleurs de Jacques Chirac. Nous avons fait dès le premier tour près de 60 % des voix et remporté les trois sièges de conseillers de Paris. En 1989, au deuxième tour, nous avons fait plus de 66 % des voix et gardé les trois sièges de conseillers de Paris. Cette fois-ci, au deuxième tour, la gauche affiche plus de 68 % des suffrages et la droite n’a plus un seul conseiller de Paris…
Évidemment, heureusement, dans un certain nombre de villes, l’équation personnelle des maires sortants comme Alain Juppé à Bordeaux, ou Jean-Claude Gaudin à Marseille, leur a permis de résister au courant. Il y a même une dizaine de cas où des villes de plus de 20 000 habitants avec des municipalités sortantes de gauche ont été enlevées, parfois dès le premier tour, par des conquérants de droite. Car, selon certaines études, les considérations d’ordre local, ou portant sur la qualité des candidats, en particulier leur charisme, représentent 80 % des motivations des électeurs, tandis que 20 % ressortissent à des considérations de politique générale. 20 % seulement, qui, dans le cadre d’un raz-de-marée suffisent à expliquer les déplacements constatés qui font qu’aujourd’hui la gauche détient, en France, le quasi-monopole des pouvoirs territoriaux…
Que s’est-il donc passé, disons depuis 1983, année d’une élection municipale marquée par un grand chelem à Paris, une victoire à Lyon, et un raz-de-marée à droite sur l’ensemble du pays ?
Il s’est passé que si la droite, à différentes reprises, a obtenu de beaux succès au niveau national, par exemple, en 1986 puis, à trois reprises, aux élections présidentielles de 1995, de 2002 et de 2007, elle l’a dû à la supériorité intrinsèque de ses candidats, tour à tour Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy.
Mais il s’est aussi passé, dans le même temps, que la droite a sans cesse reculé au plan idéologique. Elle a contribué autant que la gauche, si ce n’est plus, à enfoncer le pays dans toujours plus d’État-providence. Personne n’a oublié que si Nicolas Sarkozy s’est fait élire avec un discours empruntant beaucoup de termes à la droite de conviction, il a cru devoir y ajouter la promesse de mettre en œuvre un fumeux « droit opposable au logement » et aussi ce qui devient aujourd’hui, le RSA, « revenu de solidarité active », nouvelle boîte de pandore des finances publiques, destinée à remplacer, en beaucoup plus coûteux, le triste RMI…
La droite peut se vanter d’avoir gagné au cours de cette période de belles batailles, mais comme elle n’a cessé de reculer au plan idéologique, elle ne peut que perdre la guerre. Ce qui justifie qu’elle soit toujours désignée comme une « fausse droite ».
Dans ces conditions, le Président de la République est dos au mur. Dans un contexte économique mondial qui tourne à la crise générale. Là se trouve, paradoxalement, une nouvelle chance pour le chef de l’État : s’appuyer sur cette situation pour engager la réforme des finances publiques, devant laquelle il avait reculé jusqu’à présent, et qui est la réforme essentielle, celle dont toutes les autres dépendent.
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