Vous n’êtes peut-être pas encore tout à fait au point concernant les CDS, les CDO, les ABS, les ABX, les CLN, les SPV, et autres acronymes anglosaxons, ainsi que leurs variantes, désignant toutes sortes de produits financiers qui, apparemment, plombent toujours le bilan des banques et des compagnies d’assurances.
Vous avez certainement tort puisque le volume des seuls CDS, plus ou moins toxiques, s’élèvent a quelque 63 000 milliards de dollars soit 10 fois le PIB mondial ! (et beaucoup plus que toute la capitalisation mondiale de l’ensemble des actions et obligations cotées, au cours actuels…) De quoi paniquer… Mais vous êtes excusables parce que les dirigeants des établissements concernés eux-mêmes ne savent toujours pas très bien ce qu’il y a dans leurs bilans… Si bien que les pertes et provisions qui devront être passées par les banques sont évaluées actuellement dans une fourchette comprise entre 500 et 5 000 milliards de dollars.
Si on se retrouve dans la fourchette basse, les plans Paulson et autres plans européens ont des chances de pouvoir enrayer la panique. Mais si c’est plutôt la fourchette haute, tous les plans étatiques seront emportés, et la crise se transformera en désastre.
Aujourd’hui, force est de constater que les marchés, seul véritable pouls de l’opinion, ne semblent avoir aucune confiance dans les initiatives des pouvoirs publics.
Alan Greenspan, qui a régné sans partage pendant 18 ans à la tête de la Federal Reserve, a indiqué qu’il avait sans doute eu tort de ne pas réglementer les « credit default swaps » (CDS), dont le volume d’encours a été multiplié par dix depuis quatre ans. Mais on peut dire aussi que des banquiers moins technocrates et plus responsables auraient été les premiers à se méfier de tous ces sigles…
Le choix principal des autorités gouvernementales du monde entier, après la déconfiture, le 15 septembre 2008, de Lehman Brothers, a été de garantir à tour de bras aussi bien les dépôts des épargnants que les actifs et les engagements des établissements concernés, et même l’existence de ceux-ci. Ce qui revient à les faire échapper à la loi commune sur les sociétés, qui exige qu’on se déclare en cessation des paiements quand on ne peut plus faire face à ses échéances.
C’est évidemment une décision extrêmement grave. Elle ne pourra se justifier, a posteriori, que si l’histoire lui donne raison. Mais rien n’est moins sûr.
On a voulu, dit-on, éviter tout effet domino, ou systémique. On peut le comprendre. C’est même louable. A condition que nos politiciens hyperactifs ne soient pas tout simplement des apprentis sorciers.
Car même le crédit d’un Etat a des limites par les temps qui courent, et en a d’ailleurs toujours eu dans l’histoire. L’Islande, la Hongrie, l’Ukraine, la Géorgie sont officiellement en faillite, i.e. : ils ne peuvent plus faire face à leurs échéances. N’ayons pas la cruauté de parler de la plupart des pays d’Afrique et même d’Amérique du Sud. Mais il se murmure aussi que l’Italie ne trouve plus à emprunter qu’auprès des Chinois pour refinancer sa dette… Or un pays comme la France, avec la dette extérieure qui est déjà la sienne, doit emprunter chaque jour ouvrable quelque 5 milliards d’euros pour refinancer la partie de sa dette qui vient à échéance. Pour l’instant il semble qu’elle y arrive, et que les préteurs ne lui manquent pas. Mais tout peut changer, du jour au lendemain. Pour nous, comme pour tout autre pays. C’est le risque majeur, dit souverain : le cas où les épargnants du monde entier – chinois en particulier – refuseront de prêter, même aux Etats…
On n’en est pas là, mais on s’en rapproche un peu plus chaque jour, en tout cas à chaque fois que les bourses mondiales perdent 5 ou 10% en une seule séance…
Même en période de crise grave, il faut rester lucide et pragmatique. La seule justification à ce délire d’interventions financières publiques ne peut être que son résultat : stopper la panique et remettre le système (ancien) sur les rails. Pour l’instant, c’est inopérant. Et, si on s’obstine, nous aurons la pire des catastrophes systémiques la faillites des Etats, qui est d’ailleurs déjà inscrite dans leurs comptes.
Et tout ça pour avoir voulu éviter le dépôt de bilan de quelques établissements, dont l’écartement aurait été plus efficace pour redonner confiance, que la distribution indistincte de cette manne, qui ne permet plus à personne de savoir qui est encore en bonne santé ou pas.
Quoi qu’il arrive, demain, on aura davantage encore besoin de champions. Pas de canards boiteux !
(4500 signes)